l y a des gestes que l'on pose et qui nous marquent pour la vie. Des actions collectives auxquelles on collabore et qui orientent, en quelque sorte, le cours d'une existence. Il y a quarante ans, aujourd'hui, je participais, avec une cinquantaine de camarades, à l'occupation du Pavillon des Sciences de l'Université de Moncton. Cette occupation a duré 8 jours mais elle est encore très présente dans mon esprit.
Natif de Québec, à la fin des mes études "collégiales"(même si les CEGEP n'étaient pas encore mis sur pied) j'ai choisi de m'inscrire à l'Université de Moncton pour y poursuivre des études universitaires en économie. Ce n'était pas vraiment un choix puisque c'était la seule université francophone acceptant des étudiants qui, comme moi, avaient complété une treizième année commerciale. De ma première année universitaire en 1967-1968 je ne souviens plus très bien si ce n'est que je passais plus de temps aux activités parascolaires que scolaires en plus des abus de bières quasi quotidiens. Une grève étudiante en février '68 qui a duré quelques semaines au auquel j'ai participé bien sûr; quelques manifestations dans les rue de Moncton et auprès du Maire Jones de l'époque afin de réclamer plus de place pour le français dans cette ville unilingue anglophone et orangiste. Les notes n'étant pas au rendez-vous je demandai, à la fin de cette année scolaire, aux autorités de l'Université de me réorienter vers la sociologie pour une nouvelle inscription en 68-69.
Cette année universitaire fut pire que la précédente pour les absences aux cours. J'étais impliqué, jusqu'au cou au ciné-club et aux activités politiques de l'association étudiante. C'était bien sûr la bataille des Acadiens mais, comme Québécois, je me sentais touché par ce combat pour la survie d'une nation.
À l'auto
mne 1968, l'idée d'occuper le Pavillon des Sciences de l'Université nous vint à l'esprit. C'était un grand coup ! Une opération bien menée. Nous avions les plans détaillés du bâtiment et nous nous sommes préparé de longue main dans le plus complet silence. À la surprise générale, le samedi soir 11 janvier la cinquantaine d'étudiants et d'étudiantes qui étions dans le coup prenions d'assaut cet édifice après en avoir expulsé le gardien et subtilisé son trousseau de clefs.
Barricadé et prêt pour un long siège nous réclamions des Gouvernements provincial et fédéral qu'ils investissent des sommes considérables à cette université francophone qui était le parent pauvre des études supérieures au Nouveau-Brunswick. Ces évènements de 1968-1969 ont été immortalisés dans un documentaire de Pierre Perreault et Michel Brault: L'ACADIE, L'ACADIE ! Je viens d'ailleurs de le commander à l'ONF et les images ce message en sont tirées.
Autour d'un leader fort et charismatique, Michel-Vital Blanchard, nous avons résisté pendant huit jours et huit nuits jusqu'à ce que la police, à la demande de l'administration de l'Université, vienne nous expulser paisiblement en nous promettant qu'il n'y aurait aucune accusation. On ne peut pas dire que les étudiants de l'Université ont fait corps avec notre mouvement; ils avaient plutôt hâte qu'on cesse nos niaiseries. Reste que je suis persuadé que cette action d'éclat a aidé à faire en sorte que l'Acadie est plus fière que jamais de ses racines et qu'elle a donné du courage aux résistants que sont les Acadiens.
J'ai réalisé, à l'Université de Moncton, que ma vie en serait une de militant. Pour l'Indépendance du Québec d'abord mais aussi pour la langue française, l'histoire nationale et le patrimoine d'où mon engagement envers le Parti Québécois et les mouvements citoyens indépendantistes. Militant aussi pour le faible, l'exploité, le soumis contre le fort; militant contre les Monsanto et Wall Mart de ce Monde d'où mon engagement, entre autre, chez Équiterre; militant contre les guerres, les atteintes aux droits de la personne et la violence sous toutes ses formes chez Aministie Internationale.
Je voulais partager, avec vous, ce retour vers le passé loin d'être nostalgique. Si l'on veut que les choses changent, il faut MILITER bon yenne !