samedi 19 juillet 2008

Fumer le calumet de paix !

Sir Paul McCartney nous dit qu'il est temps d'enterrer la hache de guerre et de fumer le calumet de paix. Qu'il faut faire place à la fête bête et que la musique adoucit les moeurs.

Sir Paul dit aussi que la bataille des Plaines d'Abraham est terminée depuis 250 ans et qu'il croit que les Français ont gagné.

Au même moment, je viens de lire le billet d'André Pratte de La Presse intitulé: Le calumet de paix.

À venir jusqu'à ces derniers jours, je n'aurais pas été d'accord avec Pratte; je suis rarement d'accord avec lui. Toutefois, des évènements récents m'ont fait évoluer; comme quoi, même à soixante ans on peut encore le faire.

Je collabore, vous le savez, à un collectif du nom de Commémoration Québec 1608-2008 depuis quelques mois. Nous avons tenu, le 3 juillet dernier, une activité fort intéressante dans le cadre de la journée anniversaire de la fondation de Québec. Non pas une activité bêtement festive où l'on grille idiot mais une activité avec un sens. Nous voulions fêter les 400 ans de vie française en Amérique et surtout la résistance dont a fait preuve notre peuple qui, non seulement survit, mais s'épanouit en 2008.

Comme nous l'avions dit lors du lancement de notre collectif, nous ne boudons pas les fêtes officielles du 400e mais voulons y ajouter l'élément historique qui, le pensions et le pensons nous y fait défaut. Notre attitude était positive et a été bien reçue par la population, les journalistes et même les autorités de la Ville de Québec qui ont collaboré avec nous en nous louant le Parc de l'Amérique-Française pour y tenir notre activité du 3 juillet.

Tout allait bien jusqu'à ce que Sir Paul soit invité à un spectacle sur les Plaines d'Abraham le 20 juillet par la Société du 400e. Il n'en fallait pas plus pour que les vieux démons refassent surface chez les souverainistes. Un Anglais, sur les Plaines, pendant les fêtes de la naissance de la nation québécoise. Luc Archambault, artiste souverainiste de Lévis, déjà enflammé par sa présentation du 3 juillet, eut idée d'écrire à Sir Paul pour lui décrire le contexte dans lequel la fête s'inscrit (une fête détournée de son sens par les forces fédéralistes) et devrait s'inscrire (la naissance de la nation québécoise). On m'a demandé de cosigner cette lettre. J'ai refusé car j'avais un mauvais "feeling" sur cette action; je ne la sentais pas.

J'ai compris maintenant pourquoi nous aurions dû tenter d'empêcher Luc Archambault de publier cette lettre et aussi d'avertir les cosignataires du danger qu'elle représentait pour le mouvement souverainiste. J'ai compris trop tard; le mal est fait ! Si vous lisez les réactions, sur internet et dans les journaux et les écoutez sur les ondes de la radio ou de la TV, les souverainistes passent pour des xénophobes...............encore une fois.

Les efforts du collectif Commémoration Québec 1608-2008 d'insérer, délicatement, nos couleurs nationales dans les fêtes du 400e et d'y ramener au premier plan le débat identitaire sont maintenant rayés de la carte. Il faut tout recommencer à zéro ou presque afin de rétablir le lien de confiance qui s'était tissé avec la population, les journalistes et les autorités locales. Imaginez l'impact qu'aurait eu la distribution massive de petits drapeaux du Québec lors du spectacle de Paul McCartney et la visibilité mondiale offerte à notre nation. Après l'incident Luc Archambault nos petits drapeaux fleurdelysés seraient refusés par les fans de Sir Paul qui y verraient un affront.

Voilà ce que j'ai compris en cette semaine. J'avais, dans ma petite cervelle de souverainiste d'une autre génération, l'idée de commémorer, l'an prochain, non pas la défaite des Plaines d'Abraham mais la guerre livrée aux Anglais par les Canayens de l'époque, sur les deux rives du St-Laurent en aval de Québec. Je serais tombé dans le piège, comme Luc Archambault. Je serais tombé dans le piège d'un souverainisme regardant le passé au lieu de pointer vers l'avenir. D'un souverainisme revanchard.

Quand André Pratte dit: "Nous ferraillons toujours contre notre histoire. Bien des Québécois ignorent ou refusent de voir qu'outre les conflits et les échecs qu'ont subis leurs ancêtres, il y a eu aussi des ententes et des réussites. Que si lord Durham a proposé l'assimilation des francophones, son rapport a été jeté aux poubelles par LaFontaine et Baldwin quelques mois plus tard. Que s'il y a eu la Conquête, il y a eu l'Acte de Québec en 1774, garantissant aux Canadiens le maintien de la religion catholique et du droit civil. On le lui aurait prédit au seuil de sa défaite que Montcalm ne l'aurait pas cru." Il n'a pas tort.

Nous sommes en 2008; le Québec, État national des Québécois existe. Le français y est la langue officielle (nous devons travailler dur pour qu'elle le demeure mais, plus souvent qu'autrement, on y arrive); l'économie du Québec en ferait la 15e puissance mondiale; notre population est scolarisée; nous avons des institutions démocratiques basées sur le respect et la tolérance (trouvez-moi une nation où un référendum sur une question aussi vitale que l'indépendance est perdu ou gagné, c'est selon, à 49 % et 51 % sans qu'aucune violence ne se soit manifesté). Nous sommes en 2008 et la Province de Québec doit devenir un pays afin de pouvoir assumer toutes ses différences.

L'argumentaire pour l'indépendance nationale ne doit s'alimenter aux sources du passé que pour montrer le chemin parcouru par notre nation. Nous devons parler d'avenir; de l'avenir de nos enfants. Pourquoi nos enfants méritent un pays normal pour se développer ? Voilà la question à laquelle il faut répondre et voilà la réponse qu'il faut répandre dans toutes les chaumières.

André Pratte conclut son article sur ces mots que je partage maintenant:

"S'ils rangeaient enfin leurs mousquets, les obsédés de la Conquête projetteraient de leur mouvement, et surtout du Québec entier, une image moins absurde qu'ils ne l'ont fait cette semaine en dénonçant la venue chez nous d'un des plus grands musiciens de la planète."

À vos tomates ! Prêts, lancez !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Quoi? Un souverainiste qui passe à l'ennemi?

Hehehe, je suis sérieusement tout à fait de ton avis. Les fêtes du 400e étaient neutres à tous les plans (on veut rejoindre tout le monde se disaient sûrement les organisateurs): historique et politique.

Dans ce sens, le collectif est une très bonne idée: car au moment des grands feux d'artifices, il faut bien se rappeler ce que l'on fête, pardi!

Mais, Paul McCartney n'est pas le représentant du Royaume-Uni au Québec, il est un chanteur (certes, d'origine Britannique) qui veut chanter des chansons. Voilà. Eh bien qu'il chante tant qu'il veut, je l'y encourage (après tout ses positions sur la chasse au phoque frisent l'animalisme primaire, il est meilleur au volant d'un spectacle vocal!).

Bref, qu'une vedette mondiale soit invitée comme un des grands clous des festivités, je n'en conçoit aucun problème, fusse-t-il britannique et ardent végétarien, là où j'aurais eu un problème, c'est qu'on en fasse l'unique célébration et qu'on tente de faire taire les initiatives comme le collectif Commémoration Québec 1608-2008.

Bref, qu'il chante tout son saoul, en autant que ce ne soit pas la seule chose dont on se souvienne de ces fêtes.

Jimmy Grenier a dit…

Je suis entièrement d'accord avec toi Pierre, et l'effort de votre groupe est louable. Regardons devant, pas derrière!

J'ai moi aussi écrit sur mon blogue à ce sujet.

http://jim79.spaces.live.com/

Sir Seb a dit…

Eh bien. Je me demandais où était tout le monde qui trouvait que cette histoire avait fait couler beaucoup d'encre pour rien. Je me suis heurté à des blogues un peu trop extrême. Ça fait du bien de vous lire. En fait, cette histoire a causée trop de dommage. Et voilà que quelques "pompés" en remmetent ce matin avec le porte drapeau Canadien unilingue anglais... pour les olympiques. Pauvres de nous...